DEUXIÈMES RENCONTRES DE GRAFFITOLOGIE ANCIENNE
Est-ce parce-que ce 2ème colloque de graffitologie ancienne a tenu ses séances plénières les 14 et 15 octobre 2017 à Sens où les geôles de l’archidiocèse ont été transformées par des générations de prisonniers ecclésiastiques en une véritable chapelle Sixtine du graffiti ? Toujours est-il que d’une certaine manière une grande partie des ensembles qui ont été présentés appartiennent peu ou prou, au domaine artistique. Il en va ainsi d’ensembles graffitiques collectés:
- dans une grange décorée par des tirailleurs africains/maghrébins lors de la 1ere Guerre Mondiale dans le village des Bordes en Pays d’Othe (Yonne) à 10 km de Sens présentée par Pierre Gaizal et Laurent Valois ,
- dans la prison Charles III de Nancy dont l’artiste plasticien Paul Heinz a fait la matière première de performances, dans les ruines d’habitations maya (c. IIe millénaire av.J.C. – c. IXe siècle ap. J.C.) considérés comme expression d’un art populaire en marge de l’art des élites, par Julie Patrois,
- dans la tour de la cathédrale St Etienne d’Auxerre par Michel Leblond qui y a retrouvé la signature probable du grand peintre et graveur de la Renaissance Jehan Cousin, né non loin de Sens,
- dans divers lieux d’enfermement dépendants des Monuments nationaux où Laure Pressac organise une année graffitis destinée à présenter et valoriser ce patrimoine encore assez largement ignoré,
- sur les rochers des grandes plaines américaines où Jean Mary Couderc est allé à la rencontre de leur magie.
- Sur des supports divers pour un florilège de chiffre 4 apparus au milieu du XVe dans les milieux du livre que Jean Pierre Bozelec traque depuis des années.
Mais d’autres graffitis sont plus simplement des signatures. Ils prennent la forme de graffites sur des céramiques gallo-romaines que présente Morgane Andrieux. Ils ont été gravés sur les rochers du Vercors où Hugues Chatain est allé les relever avant de remonter le fil d’Ariane des patronymes dans des archives pour finalement établir de véritables biographies. Sur les murs d’un immeuble industriel du faubourg St Antoine à Paris on ne laissait pas son nom mais ceux de Staline, Franco ou Hitler pour les encenser ou les vouer aux gémonies au cours d’un muet et épique combat qui dura pendant toute les années trente. Christian Colas, s’en fait le rapporteur.
Bonnes découvertes !
Ce colloque n’aurait pu avoir lieu sans le soutien de la ville de Sens, du CEREP (Centre de Recherches et d’Etudes du Patrimoine) qui a mis ses locaux à notre disposition ni sans le soutien logistique de Virginie Garret sa dynamique bibliothécaire documentaliste. Qu’ils en soient vivement remerciés. Que soient également remerciés M.Bernard Brousse vice-président de la Société archéologique de Sens pour ses explications chaleureuses sur la première cathédrale gothique de France et Mme Beatrice Kerfa directrice de l’office de tourisme de Joigny, guide conférencière du patrimoine, qui nous a ouvert les portes des clochers aux graffitis anciens, des églises de sa ville. Ainsi que tous les membres des sociétés savantes de Sens et Joigny, que tous les graffitophiles et graffitologues présents aux cours de ces journées.
Ce colloque est dédié à notre ami Luc Bucherie (06/09/1955 – 08/10/2017) grand spécialiste des graffitis de bateaux, de renommé internationale, auteur de nombreux ouvrages, qui aurait dû être des nôtres comme il le fut toujours, avec une communication intitulée : «Graffitis de l’île d’Aix, Charente Maritime» à laquelle il tenait beaucoup, mais que la mort à fauché alors que nous l’attendions.
LISTE DES INTERVENTIONS 2017
01. Une grange décorée par des Tirailleurs africains dans le Pays d’Othe (Yonne)

Dans le village des Bordes à 10 km de Sens, une grange abrite des décors à l’ocre et au bleu de lessive présentant pour certains une réelle qualité artistique. Ils ont été graffités autour de 1916 par des Tirailleurs africains et maghrébins. Ils rapportent des images de la vie militaire autant que de la vie des villages laissés loin derrière parmi les dattiers aux marges des sables du désert. « Le café maure », comme la grange est surnommée localement, est protégé par ses propriétaires mais le travail du temps fait son œuvre et cet ensemble d’une grande beauté est menacé.
Pierre GLAIZAL et Laurent VALOIS
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02. “La vie 2 Rêve Nick Charles III”. Graffitis de la prison Charles III de Nancy

LA VIE 2 RÊVE NICK CHARLES III est une installation composée de journaux disposés sur des palettes de transport. Ces journaux gratuits rassemblent des graffitis photographiés recueillis dans la prison de Nancy Charles III au moment de sa démolition en 2010.
Paul HEINZ
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03. Les Graffitis maya, un art populaire

Recherche réalisée sur le site de Río Bec (Campeche, Mexique) dans le cadre du Projet archéologique Río Bec (2002-2009) dirigé par Dominique Michelet, Marie-Charlotte Arnauld et Philippe Nondédéo (CNRS, UMR 8096 laboratoire Archéologie des Amériques, Nanterre).
Julie PATROIS
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04. Les graffitis de la tour du clocher de la cathédrale Saint Étienne d’Auxerre (Yonne)

L’accès aux clochers a toujours été de tous temps un lieu très fréquenté. Que ce soit par nécessité, sonneurs de cloches, horlogers, guetteurs ou ouvriers pour l’entretien et la réparation ont souvent laissé une marque lors de leurs interventions. D’autres personnes ont également laissé une marque de leur passage sans motivation évidente. L’escalier du clocher de la cathédrale d’Auxerre présente à ce titre quelques particularités : la marque de passage d’un musicien de renom ; Nicolas Mazouyer en 1575, le très célèbre architecte Jean Cousin 1500 – 1560. Mais ce qui est encore assez insolite, c’est la présence d’une trentaine de « chiffres de 4 » répartis sur toute la hauteur de l’escalier. Un tel ensemble de ces signatures toutes différentes ne s’explique que par des hypothèses, pèlerinage spécifique, réunion de confrérie !
Michel LEBLOND
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05. Du graffiti dans les espaces d’enfermement : quels messages et quelles valorisations ?

Les graffitis sont souvent étudiés avec un prisme très local, en une succession de monographies. Tenter de les comprendre peut passer par un regard modifié : peut-on identifier des permanences de sujets et de traitement dans une catégorie de graffitis ? Si on tentait de comprendre le message d’un certain type de graffiteur ? Le cas des graffitis réalisés dans des espaces carcéraux est assez particulier pour qu’on tente de lui appliquer cette approche.
Laure Pressac
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06. Pétroglyphes, pictogrammes et graffites sur roches aux USA
Recherche réalisée sur le site de Río Bec (Campeche, Mexique) dans le cadre du Projet archéologique Río Bec (2002-2009) dirigé par Dominique Michelet, Marie-Charlotte Arnauld et Philippe Nondédéo (CNRS, UMR 8096 laboratoire Archéologie des Amériques, Nanterre).
Jean Mary COUDERC
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07. À la poursuite du chiffre 4
Très discret, le « quatre de chiffre » se retrouve partout en Europe et ce depuis la fin du XIVème siècle. Il est d’abord apparu dans les milieux de l’imprimerie pour ensuite s’étendre à tous les types de métiers et dans tous les milieux sociaux y compris chez des ecclésiastiques. Il atteint son apogée aux XVI-XVIIe siècles mais continue à être employé bien après, jusque de nos jours. Son sens reste extrêmement mystérieux. On doit écarter qu’il serait la marque d’une secte ou confrérie particulière car il se retrouve partout. S’agit-il de la géométrisation d’un étendard ? Du rendu graphique d’un signe de croix ? A t-il un seul sens ou plusieurs, donné secrètement par certains qui l’utilisent et se l’approprient ? Ce mystère fait éminemment partie de son charme et de l’intérêt que les graffitologues ne cessent de lui accorder.
Jean Pierre Bozellec
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08. GRAFFITES EN GAULE LYONNAISE : CORPUS d’AUTIN, CHARTRES et SENS
Les recherches entreprises à Sens dans les réserves du CEREP ont permis de recenser 79 graffites incisés sur de la vaisselle en céramique d’époque gallo-romaine. Ces graffites s’ajoutent à ceux découverts à Chartres et Autun, soit plus de 670 graffites au total.
Morgane Andrieu
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09. Gravures et graffitis en Vercors sud
Dans le Vercors les bergers qui accompagnent la transhumance ont laissé de nombreuses traces de leur passage au XIXe siècle. L’anonymat des noms laisse parfois place au bout de rayons d’archives à des êtres de chair et de sang qui parfois même se sont hissés à hauteur de plaque de rues. Comme celles au nom de Léon Michau, domestique à 16 ans, donné comme illettré au Conseil de révision, berger, puis marchand de fourrage et maire de St Martin de Crau (13310, Bouches du Rhône)
Hugues Chatain
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10. Graffitis ouvriers d’extrême gauche (et d’extrême droite) dans les années 30
Au 37 rue de Charonne, à Paris dans le Fbg St Antoine (« Fbg Antoine » pour les révolutionnaires de 1789, 1830, 1848 et 1871), au fond de la cour, un imposant immeuble industriel de la fin du XIXe siècle, de 6 étages, maintenant transformé en loft, a conservé sur les murs en crépis de plâtre de son grand escalier latéral les traces écrites au crayon bleu à large mine d’une lutte virulente entre ouvriers d’extrême gauche et d’extrême droite, datables pour la plupart de la deuxième moitié des années 1930, début des années 1940. Cet immeuble abritait-il une seule activité ? Liée au meuble comme beaucoup d’autres bâtiments dans ce faubourg qui lui était consacré ? Était-ce une seule entreprise, plusieurs ? Les recherches effectuées n’ont pas permis de conclure. Affaire à suivre…
Christian COLAS
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