Groupe de Recherche
en Graffitologie Ancienne


Date de publication : décembre 2015

Introduction


Bienvenus sur grga.fr, le site consacré aux graffiti(s) anciens !

Le Groupe de Recherche en Graffitologie Ancienne, le GR.GA, est une association de bénévoles sans but lucratif née à la suite d’une assemblée générale constitutive le 1er février 2015.

Graffitologie Ancienne est une expression métonymique résumant un énoncé plus précis mais aussi beaucoup plus (trop) long : Graffitologie appliquée à l’étude des expressions spontanées anciennes.

buts de l’association


1. Préserver les graffitis anciens

Fresque d’une église à dômes qui pourrait dater du XVIIIe siècle, avant que le donjon de Vincennes ne cesse d’être une prison

La préservation n’est pas un vain mot car les graffitis, même anciens, ont, disons-le, mauvaise réputation : au mieux ils sont l’œuvre de vandales malappris au pire des traces nauséabondes d’obsédés. Évidemment, il n’en est rien et certains d’entre eux ont une valeur esthétique ou historique qui n’est plus à démontrer. Tant et si bien que les pouvoirs publics ont de plus en plus pris à cœur de les sauvegarder dans la restauration de monuments anciens. Deux exemples sont particulièrement intéressants : le Donjon de Vincennes et des églises de Séville. Dans le Donjon de Vincennes des prisonniers anonymes ont laissé des graffitis dessinés ou peints au XVIIIe siècle qui ont été soigneusement remis en état lors des restaurations des années 1990 à Vincennes. Les murs des églises de Séville ont été ravalés au début des années 2000. On a alors découvert sous le manteau de crasse et de poussière qui les recouvraient de très grandes inscriptions du XVIIe siècle peintes en brun à la brosse par des étudiants en médecine et en droit, fils de la grande bourgeoisie locale. Elles proclamaient leur victoire (VICTOR) et étaient accompagnées de quelques appréciations diverses après l’obtention de leur diplôme. L’ensemble, comme les fresques des prisonniers de Vincennes, a été pieusement conservé comme témoignage patrimonial et sociologique.

2. Étudier les graffitis anciens

Graffiti ancien, chinoiserie réalisée par des prisonniers, fin du XVIIIe siècle, chapelle du donjon de Vincennes

Préserver les graffitis, donc, mais pourquoi ? Parce qu’ils peuvent avoir un intérêt de premier plan qui justifie leur étude. Quelques exemples en Égypte et à Pompéi. Nous ne connaissons pas encore de graffitis mésopotamiens dans le Proche Orient ancien mais il en existe beaucoup qui ont été recensés en Égypte. C’est grâce à quelques-uns d’entre eux gravés par des scribes et retrouvés dans une chambre de la Pyramide de Khéops (vers 2600 av.J.C) que les égyptologues ont pu acquérir la certitude qu’elle avait bien été construite par ce pharaon. Plus tard les graffitis continueront d’être prisés le long du Nil. Parmi eux, certains de mauvais goût comme ceux caricaturant la reine Hatchepsout (début du XVe siècle av. J.C ) ou d’autres laissés plus tard par les troupes de Bonaparte et par les premiers « touristes » européens du milieu du XIXe dont parle Gérard de Nerval dans son Voyage d’Orient. Les graffitis de Pompéi sont connus.

Découverts au milieu du XVIIIe siècle, ils ont été systématiquement relevés un siècle plus tard par le jésuite Raphaele Garucci qui à cette occasion introduit le mot dans la langue française (1856).

Les graffitis de Pompéi ont été préservés par la cendre du Vésuve (irruption en 79 ap. J.C.) mais il n’est pas douteux que beaucoup d’autres cités de l’Antiquité en possédaient sur leurs murs, d’ailleurs des auteurs de l’époque les évoquent dans leurs écrits pour s’en plaindre ou simplement les citer. Les interdictions de graffiter sont en fait très récentes . A Pompéi les nombreux graffitis laissés sur les murs de la cité engloutie sous les cendres permettent aux philologues d’avoir une idée du parler populaire par ailleurs absent des écrits canoniques laissés par les grands auteurs.

3. Publier les graffitis anciens

Autoportrait du graffiteur présumé des graffitis du château de Vincennes

Mais, l’étude des graffitis anciens sous leurs différentes formes est avant l’objet de la graffitologie qui s’emploie à les publier. Ce site commence la publication de graffitis historiques en reprenant les interventions des participants au colloque de Paris du 21 mars 2015. Il est clair que d’autres publications de colloques sur le sujet ainsi que des recherches et des monographies suivront. Mais pour avancer, afin que la graffitologie cerne bien son objet, il est nécessaire de se poser la question de savoir ce qu’est au juste un graffiti et quand peut-on considérer légitimement que ce type d’expression a commencé à apparaître.

Mais qu’est-ce qu’un graffiti ?


L’étude des graffitis est donc ancienne. La graffitologie générale ayant pour objet les graffitis anciens de tous types et de toutes cultures par contre est nouvelle. Cette archéologie qui travaille sur des supports essentiellement verticaux, qu’elle ne risque donc pas de détériorer, est en fait en création. Sa vocation est d’exister en tant que discipline autonome des sciences humaines. Mais quel est son objet ? Quand on a dit que c’est le graffiti on a hélas rien dit. A moins de répondre à la question : qu’est-ce qu’un graffiti. Étymologiquement trois bonnes fées, au moins, se seraient penchées sur son berceau : le terme dériverait du grec graphein, écrire, du latin graphium, stylet, et de l’italien graffiare, griffer, égratigner. En suivant la logique étymologique le graffiti serait donc une écriture gravée ou griffée au stylet ou avec tout autre objet contondant. Si cette définition rend compte des écritures et encore pas forcément celles obtenues au crayon, à la craie, au fusain etc…, elle laisse de côtés les dessins, les peintures, les sculptures qui sont également des techniques et des expressions fréquentes pour le graffiti. A la définition étymologique trop réductrice qui stricto sensu ne tient compte que d’un champ, l’écriture, et d’une technique, la gravure ou la griffure au stylet, sans même prendre en compte la particularité de l’acte de graffiter, on en préférera une autre, de caractère sociologique plus susceptible de définir l’objet. On dira donc que le graffiti est un fait social sui generis qui matérialise l’expression de « sans voix », c’est-à-dire de personnes qui sont… personne ou plus précisément qui n’ont pas de légitimité reconnue dans ce qu’elles expriment. Partant de cette définition générale les caractéristiques du graffiti paraissent être les suivantes :

  • Le graffiti n’est évidemment pas normatif : ne peuvent être considérées comme des graffitis des écritures, gravures, dessins, peintures, sculptures produits à la demande d’autorités administratives, politiques, religieuses, syndicales, corporatives etc…, même s’ils ne le sont pas de manière canonique.
  • Le graffiti n’est pas nécessairement mal écrit, mal gravé, mal dessiné, mal peint, mal sculpté. Les exemples abondent qui montrent des « œuvres » de qualité. C’est par contre une production individuelle d’anonymes, la plupart du temps, qui n’ont au moment où ils graffitent aucune légitimité réelle pour le faire.
  • Le graffiti est une expression spontanée et gratuite, parfois un cri, un témoignage écrit ou plastique formulé sur l’instant qui n’a pas fait l’objet de préparation et est sans suite. Ceci le différencie fondamentalement des graffs et du street art qui ont été étudiés et ont souvent, directement ou indirectement, une finalité marchande. Une œuvre de street art n’est pas un graffiti.
  • Le graffiti qui est une pulsion est aussi une manifestation destinée à être vue du plus grand nombre. C’est un marquage d’identité le plus souvent mais il peut aussi viser au délassement simple ou être porteur d’un message politique, poétique, volontairement absurde, religieux, amoureux, érotique, esthétique etc…

Pour résumer :

Un graffiti est une expression spontanée, qui peut être belle, mais qui n’a pas fait l’objet de préparation et n’aura pas de suite, elle est exécutée par un anonyme non spécialiste de la représentation sur des supports qui la rende visible. Mais à quand faire remonter l’existence des graffitis ?

De quand date les graffitis ?


Si on veut prendre en compte l’ensemble des cultures humaines à partir du Paléolithique supérieur jusqu’à nos jours, en tenant compte des cultures tribales des sociétés subactuelles sans écriture, le critère discriminant ne peut pas être autre que le caractère individuel non représentatif du graffiteur. Les fresques de Lascaux, les œuvres des artistes de tous les temps jusqu’aux street-artistes qui sont des travaux de professionnels portés par l’imaginaire de communautés plus ou moins vastes ne sont pas des graffitis. Par contre certaines expressions dès le Paléolithique ne peuvent-elles pas déjà être considérées comme des graffitis ? Certaines mains négatives ou positives si fréquentes dans les grottes préhistoriques et dans des sites de sociétés subactuelles sans écriture ne sont-elles pas des signatures qu’on peut rapprocher de celles qui fourmillent de par le monde depuis l’apparition de l’écriture et qui sont à peu près unanimement considérées comme des graffitis ? Certains humains préhistoriques schématisés ou caricaturés à l’extrême n’en sont-ils pas aussi, de même que les nombreux « macaronis » tracés au doigt sur l’argile fraîche sur des parois de grottes ? Ancrer le graffiti dans les expressions les plus anciennes de l’homme et étendre le champ du phénomène graffiti à toutes les cultures humaines est probablement ambitieux. Mais n’étudie-t-on pas l’art de toutes les sociétés humaines, pourquoi n’en étudierions-nous pas les graffitis ? C’est l’ambition de la graffitologie !

Christian COLAS